Dans la production d’un produit artisanal, c’est l’âme de l’artisan qui se transpose dans le processus de réalisation, qui lui insuffle une humanité dont nos produits de consommation sont dépourvus. On participe de plus en plus à de nouveaux modes de production qui tendent à humaniser, à redonner vie et sens, ou simplement à offrir une nouvelle valeur à un produit ou une matière quelconque. C’est un vrai travail d’ennoblissement, d’humanisation de biens matériels. Dans l’acquisition de ceux-ci l’acheteur se voit offrir quelque chose porteur d’une valeur matérielle différente. Un produit dont la naissance et le parcours de vie en tant que bien est établi sur une volonté d’offrir un sens et des valeurs nouvelles. Le bénéficiaire devient lui même héritier, maillon et acteur dans l’avenir de la vie du produit.
Face aux multinationales et à leur prix dérisoires, la valeur des choses a été perdue, la valorisation de tout le travail en amont est inconnu, et ce coût dérisoire en devient légitime. Lorsqu’on se retrouve face à des produits « faits mains », ou réalisés simplement dans des environnements de travail qui respectent un cadre et un salaire décent, on est parfois surpris de leur prix. Bien des gens ont perdu la notion du travail de conception et de réalisation que ces objets nécessitent, représentent, bref de leur valeur.
Bien souvent, il est économiquement plus intéressant d’acheter un produit fini dans une grande multinationale, plutôt que de le réaliser soi-même. C’est pourquoi les petites entreprises artisanales rencontrent tant de difficultés à perdurer dans le temps. Elles se trouvent au centre d’un combat qui défend la valeur d’un travail « fait mains », travail qui va sans cesse devoir justifier, défendre et démontrer son identité, prouver sa valeur ajoutée.
C’est un public soucieux de valeurs plus-responsables, éthiques et écologiques qui se verra soutenir des petits producteurs. L’acheteur sensible et conscient de ce qu’il achète a un souci d’investir son argent autrement, il prône d’autres valeurs. Mais il s’agit aussi d’un public qui peut se permettre de faire un choix sur ses priorités financières. Car, bien souvent, et on peut le déplorer, la valeur de certains produits réalisés de manière artisanale n’est pas accessible à tous.
La majorité pour ne pas dire l’entièreté des artisans ne peut acquérir les produits dans lesquels ils investissent tant de leur temps, de leur énergie et de leur personne. C’est une réalité qui n’est pas facile à accepter et à propos de laquelle il serait intéressant de s’interroger.
Depuis quelques décennies, le terme durabilité a été utilisé de manière très large. Un souhait commun semble tendre à un système de production plus responsable, éthique et écologique. Celui-ci va au delà des projets de design durable. Il existe une aspiration à sortir de la représentation de l’homme comme porteur de besoins, mais davantage comme porteur de capacités.
On voit de plus en plus dans le monde un nombre croissant de personnes qui témoignent d’une volonté de sortir des comportements dominants, passifs et individuels en adoptant des attitudes plus actives et collaboratrices.
Toutefois, il ne faut pas regretter les temps préindustriels où les artisans fabriquaient nos biens de consommation, mais constater l’évolution dans le passage d’une économie à une autre, influençant directement les processus de conception et de production. Car, si ces changements on provoqué la chute de l’artisanat, ils lui ont également permis de renaître dans notre réalité contemporaine. Aujourd’hui, il est essentiel que la tradition dialogue avec l’innovation, l’artiste avec l’artisan, le territoire avec le monde, le nord avec le sud.
Dans le lien de l’artisanat et de la production, ce sont nos modes de travail et de réalisation qui se sont unis pour insuffler une nouvelle âme aux matières créées. La valeur de nos échanges et de nos complémentarités ont permis la réalisation finale du projet.